À 86 ans, Selim, un retraité de Saint-Ouen, se trouve face à un drame qui va bien au-delà des simples dégâts matériels. Son histoire, marquée par des années de travail acharné, est devenue le triste témoignage d’une réalité de plus en plus courante : celle des propriétaires confrontés à l’occupation illégale de leur bien.
Un investissement de toute une vie
Selim, ancien commerçant franco-turc, a consacré sa vie à bâtir un avenir sécurisé. En 1977, après des années passées à gérer un café, il parvient à acheter un immeuble de 180 m², un bien qu’il considère comme le fruit de ses sacrifices. “Cet immeuble, c’est le résultat de toute une vie de travail”, nous confie-t-il, le regard empli de nostalgie. Il se souvient des longues journées derrière son comptoir, et de ses efforts pour économiser chaque centime. Mais après tout cela, la retraite ne lui permet de vivre que sur 400 euros par mois, un montant bien insuffisant pour faire face aux coups du sort. Ce bien, son immobilier, devait être sa garantie pour l’avenir, mais tout a basculé en 2018, lorsqu’une bande de squatteurs a envahi l’immeuble.
Des années d’enfer : un immeuble dévasté
Après quatre années d’occupation illégale, l’immeuble est à l’image de la désolation. Lors du départ des squatteurs, l’état des lieux est alarmant. Daniel, le fils de Selim, raconte que l’endroit était méconnaissable : “Il y avait des matelas éventrés, des bouteilles brisées, des montagnes de déchets partout”. Mais la pire des découvertes fut celle des dégâts matériels : les squatteurs avaient laissé les robinets ouverts, inondant les lieux et provoquant des dégâts considérables. Lorsque les agents de Veolia se rendent sur place à l’été 2022, ils découvrent une cave inondée, avec 20 cm d’eau stagnante, et des rats qui y pullulaient. “Même les techniciens ont refusé d’y entrer”, raconte Daniel, visiblement choqué par la situation.
Une facture d’eau astronomique
Mais l’horreur ne s’arrête pas là. À la surprise générale, Veolia envoie une facture astronomique de près de 100 000 euros pour l’eau consommée durant l’occupation des squatteurs. “Une somme pareille, je n’avais encore jamais vu ça”, déclare l’avocat de Selim, Maître Xavier Bouillot, visiblement outré par la situation. Axa, l’assureur de Selim, refuse quant à lui de prendre en charge les dégâts, expliquant que les dommages liés aux squats ne sont pas couverts par le contrat d’assurance.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Selim avait pourtant pris des mesures dès 2018 pour éviter cette situation : il avait demandé à Veolia de couper l’eau de l’immeuble pour décourager les squatteurs. Cependant, selon la législation française, il est interdit aux fournisseurs d’eau de couper l’approvisionnement en eau d’une résidence principale, même en cas d’occupation illégale. Une telle action expose le propriétaire à des sanctions sévères, allant jusqu’à trois ans de prison et 30 000 euros d’amende.
Un sentiment de justice bafouée
“Ce n’est pas un choc, c’est un tremblement de terre”, déclare Selim, accablé par la dette colossale qui pèse sur lui, pour des faits qu’il n’a pas commis. Cette histoire, tragique à bien des égards, soulève des questions cruciales sur la justice et les protections accordées aux propriétaires face aux squatteurs. Les propriétaires semblent pris entre deux feux : d’un côté, la loi protège les occupants illégaux, et de l’autre, ils sont laissés sans défense face aux dégâts et aux conséquences financières désastreuses de l’occupation.
L’histoire de Selim rappelle douloureusement que les conséquences du squat ne se limitent pas à des désagréments matériels. Elles touchent profondément des vies entières, des vies bâties patiemment avec acharnement et sacrifice, et laissent des cicatrices émotionnelles et financières qui mettront probablement des années à se refermer.
Alors, face à cette situation complexe, où est l’équilibre entre droit au logement et protection des biens ? À quel moment les propriétaires sont-ils protégés, et comment éviter que des drames comme celui-ci ne se reproduisent à l’avenir ?
En attendant, Selim, comme bien d’autres, continue de lutter, espérant un jour voir justice et récupérer ce qui lui appartient.